(louise) what does your soul look like?

01. La famille Janvier, c'est le papa avocat qui passe ses journées au travail et ses soirées dans le bureau, qui n'apparaît que pour dire que quelque chose ne lui plaît pas et qui n'a pas le temps pour grand chose d'autre. C'est la maman qui reste à la maison, cigarette au bout des doigts et téléphone contre l'oreille, qui redécore chaque pièce tour à tour pour se donner l'illusion de faire quelque chose - elle a l'habitude d'être inoccupée, maman, elle a toujours compté sur l'héritage de son père et n'a jamais compté ses dépenses. C'est aussi Etienne, le grand frère, le modèle, la perfection qui suit un avenir tout tracé et admirable, celui qu'on jette sous les projecteurs sous les exclamations admiratives. Et c'est Louise, la petite dernière déviante trop rêveuse et trop bornée, trop indépendante, qui ne fait rien comme il faudrait et qui en est presque fière. C'est le silence aux repas ou l'orage qui se déchaîne, la famille Janvier - il n'y a pas d'entre deux. 02. Louise s'est extirpée de l'emprise familiale autant que possible - elle a son appartement, sa librairie, ses endroits pour souffler. Papa comme maman n'aiment pas qu'elle préfère s'imaginer avec ses propres romans dans les mains ; ils préfèreraient la voir suivre leurs pas, ne pas se faire remarquer. Ils n'approuvent pas son appréciation des courbes féminines et son manque de discrétion lorsqu'elle pose ses lèvres sur celles d'autres demoiselles au beau milieu de la rue. Ils n'approuvent pas grand chose, de toute façon. Alors elle s'est éloignée, et même si elle les rejoint pour quelques dîners familiaux, l'apathie reste la même. Mais elle a trouvé un semblant de contrôle sur sa vie dans son appartement, dans sa boutique. C'est à elle, à personne d'autre. 03. Elle a toujours eu de l'imagination, Louise. Toute petite, elle dessinait les histoires qui lui emplissaient la tête, avant de pouvoir les coucher sur papier avec de véritables mots. C'est ce qui lui a maintenu la tête hors de l'eau, toujours - l'écriture, les mots qu'elle choisit avec soin, les personnages si soignés qu'elle pourrait presque les voir se tenir en face d'elle, les rebondissements et les émotions qu'elle tente de retranscrire. Elle ne l'a jamais partagé, jamais vraiment, mais c'est ce qui compte le plus. Un jour- un jour, elle aura le courage de terminer quelque chose et de le publier. En attendant, et parce qu'elle était la seule à s'enthousiasmer sur ses personnages, elle s'est tournée vers la fanfiction. Mais ça, elle ne l'avouera jamais. A personne. Elle écrit depuis son petit coin de librairie, parfois jusque tard dans la nuit. C'est son petit secret. 04. Les jours où le stress décide de faire des siennes, elle cuisine. Il n'est pas rare qu'elle offre des cookies ou des pâtisseries à ses clients après une journée particulièrement stressante - elle en aura fait pour nourrir tout le quartier, alors elle partage. Et puis, si ce n'était pas le cas, elle finirait probablement noyée sous les biscuits dans son appartement. 05. Elle essaie de se trouver, maintenant qu'elle est seule et que personne n'essaie d'influencer ses actions. Elle ne sait pas ce qu'elle veut, Louise, même si pour l'instant sa petite librairie et ses rêves d'écriture lui suffisent. Ca ne durera pas, et elle le sait. Elle n'a rien de tangible entre les doigts, et pour elle qui ne supporte pas de ne pas avoir toutes les cartes dans les mains, c'est l'enfer.