it's like the walls are caving in (basile)

rêves d’enfant loin d’être apprivoisés. il danse sur les pages, s’élance sur les différentes feuilles, passe gracieusement d’un chapitre à l’autre. il subsiste dans sa tête un imaginaire détraqué, qu’il finit par prendre pour la réalité. il vit les films qu’il a vus et revus, se projette dans un quotidien bien différent, remodèle le passé à l’image qu’il le souhaite. il peut instantanément devenir ce qu’il le veut quand il le veut. parfois, il devient ce qu’il ne veut pas quand il ne veut pas. c’est instable, démentiel, détestable, artificiel. c’est à son image : sauvage, incontrôlable, remarquable. il en souffre autant qu’il en jouit, se demande parfois ce qu’il en aurait été s’il n’était pas pourvu de cet handicap. puis enfin se promet de ne plus se poser de questions futiles dignes d’un imbécile. • il a toujours souhaité se démarquer du restant du monde. après avoir grandi dans une ambiance apocalyptique, entouré de sept frères et sœurs, dans une pauvreté qui le fait toujours frissonner de dégoût, il veut sortir du lot. briller, être le centre de l'attention de toutes et de tous. c'est pour ça qu'il parle fort, qu'il fait plein de blagues, qu'il n'a aucune limite quand il faut faire un gag. le bouffon de la soirée encore et toujours, et on a de moins en moins envie de l'inviter vu comment il est chiant. • sous ses airs de petit malin, derrière les mots crus et les moqueries cruelles se cache un enfant qui n’a jamais connu le vrai bonheur. une entité qui n’a besoin que d’un peu d’amour pour subsister, tout en évitant de céder à ces pulsions qui le conjurent de se laisser aller. basile est un jeune homme qui avance toujours à contre-courant, attendant sans impatience le jour où tous ses efforts seront réduits à néant. le jour où le torrent reprendre ses droits. • il fut une époque, pendant l'adolescence, où il avait perdu le contrôle de son corps, qui n’obéissait plus à aucun de ses ordres. il était resté paralysé, dans son propre lit, pendant plus ou moins six heures. les yeux grands ouverts, dans l’impossibilité de dormir. après avoir consulté des médecins, ils en avaient conclu que c’était purement psychologique. quant à l’origine précise, ils n'avaient jamais pu la découvrir. il faut dire que basile était loin d’être bavard, concernant son quotidien. de cette expérience mémorable et désagréable, il garde quelques tics. ou plutôt des toc, qui ressurgissent lorsqu’il s’y attend le moins. compter jusqu’à un certain nombre, vérifier qu’il n’a rien oublié en sortant, descendre les escaliers trois par trois, palper toutes les régions de son anatomie pour vérifier qu’il va bien. • l’eau, fraîcheur sur la peau, baume sur les os. sans prétendre être un sportif hors-pair, il est plutôt bon nageur. il lui faut au moins trois visites hebdomadaires à la piscine. il déteste le fait de devoir se contenter de la municipale, atroce amas de braillards qui donnent à l’étendue un goût particulièrement amer, mais rejoindre un club semble être un souhait qui n'est pas prêt d'être réalisé. pas de sous, comme il le répète souvent à qui veut bien l'entendre. • combien de fois ont-ils essayé de l’attacher, de le brider, de le dresser comme un bon petit chiot qui donnerait la patte dès qu’on lui demanderait ? combien d’entre eux ont-ils cru pouvoir le changer, le garder, le prendre contre eux jusqu’à le contaminer d’un amour qui ne viendrait jamais ? il a perdu le compte. il lui est déjà arrivé de faire semblant de se laisser atteindre pour voir leurs réactions. il lui est également arrivé de se faciliter la tâche en se faisant détester, pour ne pas avoir à souffrir les agissements désespérés de créatures en manque d’affection qu’il ne pourra jamais leur offrir. • basile déteste tellement sa vie qu'il en est devenu mythomane. il est serpent aux prunelles attirées par les proies les plus faciles. il a la langue qui fourche, qui se courbe. elle crache le venin, se faufile dans les méandres de mensonges élaborés. basile s’invente des vies, chaque jour une nouvelle, se permet des modifications sur son passé. il est bien conscient des risques, et ne craint que très peu que tous les mondes qu’il s’invente se télescopent un jour. c’est avec agilité qu’il saute de fable en fable, écrivain téméraire ne permettant pas à sa mémoire de flancher, afin de se rappeler avec précision et minutie de la moindre broutille proférée à quiconque. • il a le rictus particulièrement provocateur. Le sourire en coin qu’il arbore lorsqu’il est amusé ou encore époustouflé par le manque de cohérence de son interlocuteur peut très vite allumer le brasier de la rage. il sait atteindre les autres avec les mots, mais cette lueur de malice qui perle dans ses iris peut très bien faire l’affaire également. • l'adrénaline, le danger l'attirent bien malgré lui. il a le don de se fourrer dans des ennuis pas possibles. de se retrouver dans des situations où il frôle la mort, et ce depuis sa jeunesse.c'est ce qui l'excite bien plus que le sexe, bien plus que tout ce qui parsème son existence. l'insécurité a ce goût délicieux qui tarde sur la langue, un fruit qu'il veut croquer à pleines dents. • la nuit lui nuit. l’amante parfaite et irréelle. de sa longue cape noire élégante, elle recouvre le monde et l’espace. les astres s’accumulent, atomes flamboyants de splendeur, carats scintillants et époustouflants le long du tissu de la robe. elle est souveraine et reine, elle est tourmente et épouvante. souvent elle lui refuse le repos nécessaire, le besoin primaire. souvent, elle s’oppose aux paupières lourdes, hante les pensées, prive le corps de l’assoupissement. et il n’y a pas de remède. rien pour lui venir secours. insomnies brutales et animales. asphyxie dans les particules glacées d’un fleuve enragé. dans l’obscurité règnent les monstres. et parfois, ils l'empêchent de dormir, ils lui font peur.