to be forgiven for the past (emilien)

Je n’arrive toujours pas à réaliser à quel point ma vie a changé depuis que j’ai déménagé à Bordeaux. Tout d’abord, le changement suite à mon emploi dans une université renommée, puis le bac de ma fille, puis la rencontre avec ma soeur et enfin, ce regard croisé avec Emilien. Comment aurais-je pu l’oublier ? Je le croise chaque jour dans les yeux de ma fille, de notre fille, qui me réclame encore de temps en temps qui est son père. Je ne connais pas même son nom de famille, et pourtant, je n’ai pas hésité à m’incruster à côté de lui dans le tramway, pour lui parler, le saluer, et voir si il se souvenait de moi. C’est avec lui que j’ai perdu ma première fois, à quatorze ans, lui qui m’a offert le plus beau des cadeaux, ma fille. Il n’est même pas au courant de son existence, faut dire, je lui avais envoyé une lettre mais sans savoir son nom de famille je ne suis pas certaine qu’elle soit arrivée à destination. Après plusieurs messages échangés, nous avons rendez-vous ce soir. Il m’a demandé de venir le retrouver sur les escaliers du Grand Théâtre, c’est plutôt romantique. Samedi soir, les rues bouillonnes de monde, ma fille elle-même est sortie avec des amis comme elle en a l’habitude. Elle n’est pas au courant de ma sortie ce soir, et je prie pour qu’elle ne me croise pas. Je lui ai simplement dit qu’il était possible que je ne dorme pas à la maison, sans rien préciser de plus. Elle est au courant que sa mère a une vie intime, ça n’a jamais été un soucis avec nous, mais ce soir, elle est loin de s’imaginer qui je rencontre. Son père. Lui même. Je m’habille convenablement, robe noire moulante, talons hauts, comme au bon vieux temps. Un maquillage léger mais pas moins élégant et me voilà déjà parti, direction le centre. Je m’arrête place Gambetta à proximité de Mériadeck, et marche jusqu’au grand théâtre, quelque peu anxieuse. Je m’assieds sur les escaliers, attendant Emilien qui ne devrait plus tarder. Une surprise m’a-t-il dit. J’ai hâte de voir. Lorsqu’enfin, je l’aperçois au loin, je me lève et m’approche de lui, le sourire aux lèvres. « Emilien. » Je le regarde de haut en bas. Il s’est bien habillé, et je rougis légèrement. J’ai l’impression d’être une adolescente.

@emilien vidal

Lorsque l’on est ancré dans la conviction que l’on contrôle la situation, la vie se fait toujours un plaisir de vous rappeler la réalité : Vous ne contrôlez rien. Emilien recommençait à retrouver un train de vie habituel après la perte de son meilleur ami, se renforçant dans la conviction qu’il pouvait diriger sa vie sans soucis, pourtant lorsque les travaux en centre-ville l’ont obligé à laisser sa voiture au parking pour prendre les transports publics. Retrouver Eva fut comme une secousse, lui rappelant que cela faisait presque 20 ans qu’ils ne s’étaient pas vu. Comment cela aurait il pu être possible vu qu’elle habitait bien loin de Bordeau dans ses souvenirs ?
Pourtant la surprise fut agréablement surprenante. Enfin adultes et plus matures, leur échange aussi bref fut il lui donna l’impression de connaitre une nouvelle personne. Après tout, ils n’avaient plus rien à voir avec les gamins qu’ils furent.
Chasser le naturel, il revient au galop, lorsqu’Emilien sentit que le courant passé bien entre eux, il ne put s’empêcher d’être lui-même et de proposer de la revoir. Bien loin d’imaginer qu’ils étaient liés par bien plus que le souvenir d’un voyage scolaire.

« ici, ça ira merci. » lança t il à son chauffeur Uber alors que celui-ci s’arrêtait sur le bas coté pour le laisser descendre. A l’heure, pour une fois, il s’approcha des marches à sa recherche et quand son regard se posa sur elle, il ne se gêna pas pour la détailler. Partant de ses talons, il remonta sur ses jambes et trouva ses formes épousées par une robe qui la mettait en valeur. Immobile pour continuer son observation, la laissant venir jusqu'a lui, ses mains se plantèrent dans ses poches alors qu’il affichait son plus beau sourire.
Se penchant pour lui faire une bise, sa main se posa légèrement sur la hanche.

« Bonsoir, tu es vraiment élégante. »  Trouva-t-il simplement à dire.
« J’espère que tu as faim, je t’amène dans le restaurant d’une connaissance, on y mange bien et le cadre est vraiment sympa. On a beaucoup de temps à rattraper après tout. » ajouta t il en se mettant en marche.