les gays c'est comme un coeur, ça passe son temps à pomper // samir

Tes sentiments comme la lune ne s'éveillent qu'à la nuit noire. T'es complètement mort, tes lèvres sont humides, déjà noyées sous une couche de vodka que t'as bu yeux fermés pour oublier cette conne à la chevelure corbeau. Ta tête c'est un bordel, pas plus rangée que ta chambre depuis que t'y es installé. Tu te souviens encore de son parfum, de la manière dont elle a déhanché ses courbes contre ton intimité. Tu te souviens aussi de la force de sa paume quand elle a heurté ton visage, de la honte qui t'a emmitouflé. T'étais juste un mec qu'avait rien demandé,
elle t'a chauffé et elle n'a rien assumé, t'es un dommage collatéral ni plus ni moins, une victime de cette évolution qui prend du temps à s'émanciper. Tu titubes, tu veux prendre l'air mais tu peines trop à marcher droit alors tes épaules s'écrasent contre les murs, un coup à gauche, un coup à droite. T'es la boule dans un flipper, t'es maître de rien, tu subis le mécanisme en espérant simplement ne pas te faire sortir salement. Tu sens un premier courant d'air sur ta peau moite et c'est bon, terriblement bon. Pendant une poignée de secondes t'as l'impression de vivre à nouveau, parce que t'as arrêté de respirer depuis que t'as posé tes pieds ici. T'as l'impression que t'intégrer est impossible alors à chaque échec tu retournes au point de départ, tu te bourres la gueule et t'oublies pour recommencer. Tu prends pas le temps, tu fonces et c'est pas sur la sortie que tu tombes, c'est sur ce con en plein milieu du chemin. Le bruit d'une explosion, c'est son verre qui s'éclate sur le sol. Les bouts de verre viennent effleurer le tissu de ton jean déchiré, tu sens également le liquide mais c'est loin d'être ta préoccupation. Tu le regardes droit dans les yeux, le mec. T'es mitigé, t'as envie de le frapper pendant quelques secondes mais tu réalises vite que le boulet ici, c'est toi. « Désolé mec, j'vais te repayer ça. » Tu lui donnes une tape dans l'épaule, t'essayes de rendre le tout plus amical parce que tu tiens pas assez sur tes jambes pour encaisser le moindre coup si il se met à s'énerver. T’aperçois l'extérieur et d'un battement de cil tu lui dis au revoir pour retourner au bar.

t'as passé la semaine dans l'tram, les paupières plus lourdes que le monde. accroché aux barres de métal, laissant ta place aux vieux quidam et aux engrossées un peu trop rondes. t'as fait partie de ce banc d'sardines, de gens qui s'serrent parce qu'ils sont à la bourre, qui s'déplacent d'un point a un point b. t'as souffert en t'collant aux vitres à cause de tous ces miskines qui sortent du collège monséjour, et tu t'es demandé pourquoi l'an 2000 avait accueilli tous ces bébés. t'as passé tes journées dans l'tram, demi-sourire forcé, mains croisées comme la joconde. alors maintenant que vendredi tombe, y a ta gorge qui s'inonde de mélanges à 10 grammes. t'as plus la fatigue qui t'colle à la peau. rien que le parfum rance des hommes et des femmes et de tout le reste aussi. qui depuis belle lurette est là (joyeuse bande de piccolos) sur leurs tabourets bien assis. t'es seul ce soir parce que t'en avais besoin. t'as eu ta dose de contact avec les gens. t'as fait que parler à au moins cinq entretien et si c'est pas comme ça que tu décrocheras un job, alors tu sais pas trop comment. t'as même mis que t'sais parler arabe sur ton cv, mais t'es quasi-sûr que ça va l'foutre direct dans la corbeille à papiers. alors tu bois pour effacer toutes ces pensées qui t'tracassent, t'as décidé que ce soir t'allais t'mettre une sale race. m'enfin on t'dit de faire une pause, de poser ton verre si tu sors méfu. apparemment t'as pas le droit d'sortir avec un gobelet consigné dans la rue. tu prends l'air et remplis tes poumons de toxines, le feu fait crépiter le bout de ta barre à nicotine. tu fumes pas d'habitude. rien qu'en soirée avec les frères. pourtant t'es là, fumée d'nacre qui s'échappe du bec, le cœur un peu clochard (parce que t'as du quémander du feu, l'briquet à sec), un peu loup solitaire.

tu rentres après quelques minutes et tu reprends ton verre mais tu croises un mec qui l'fait tomber par terre. y a mille éclats brillant à vos pieds et un fond d'whisky coca à essuyer. t'es pas encore trop bourré, mais tout le monde est beau à l'heure qu'il est (tard). et lui il est un peu plus beau que tout le reste du bar. t'inquiète c'est rien mec, mais fais gaffe où tu mets les pieds. le gars a l'air d'avoir noyé son état d'ébriété. tu m'paies un mojito alors. tant qu'à faire, autant taxer le coup du sort.

Tes racines en comète retrouvent la Terre dans des collisions trop régulières. T'as l'impression que la gravité n'est plus la même, ou alors t'as pris dix kilos de dégoût rien qu'en voyant le pigment de sa membrane. C'est pas un mec d'ici, non, il a une gueule à manger des briouats l'Été. Tu végètes silencieux, ton palpitant, lui, fait la shoah. D'un murmure de l'index qui tonne au bar, tu alimentes les cornées curieuses. « Deux mojitos ! » Dans ta tête un incendie, tu n'y vois que fumée, tu t'y asphyxies. Tes idées allumettes sont toutes consumées et tu te retrouves à sec coincé avec un enculé. T'affrontes le corridor humain à la pointe du menton, l'étreinte du majeur plongée là où les ressacs alcoolisés éclatent en un faible son. Ton âme est en plein burn out avec toutes ces conneries, lessivée de ce travail à la chaîne qui n'produit que des ennuis. Alors à cet instant t'es qu'une carapace vide, complètement incapable de sentir le bout des tes pieds, tu sens que tes joues calcinées et l'effluve piégée à tes canines. Ton fessier épouse péniblement le bois incurvé d'une sellette, ton coude, ce bâtard, ne sait plus où s'placer alors il tangue entre les reflets qui gisent sur le grand plat surélevé. « Toi, t'as une tronche à t'appeler Mustafa non ? » Sur ton plastron, suinte en couche luisante la peur du rejet. Celle qui te fais faire n'importe quoi, qui t'as soumis l'idée d'attraper un morceau d'verre pour mieux te tailler, qui t'as ordonné d'songer à la possibilité d'sauter d'un pont pour voir si t'arrives à retomber sur tes jambes même après toutes ces insanités.

« Qu'est-ce que tu branles ici ? Y'a rien à faire, rien à voir, y'a que des clodos et des meufs qui ne savent tenir que les queues des billards. » Y'a que toi qui empeste la dérision. T'es souvent l'seul à vouloir te peindre le corps entier mais t'as toujours cette lueur à la conjonctive qui t'fais croire naïvement que c'est peut-être pas le cas. T'es l'infection de toute une ethnie et t'essayes de te répandre tant bien que mal pour plus avoir ce creux à la poitrine, l'impression d'avoir été victime d'un trafic d'organe.

» comme au bon vieux temps. (diane)
» l'incendie au coeur (tamara)
» et du coeur à tes lèvres je deviens un casse-tête. (uc)
» le temps du ciel sans cendres (Gaston)
» et tu planes comme le doute (sofyan)